Kehl et Sebastian
En 12 années au Borussia Dortmund, le milieu défensif a tout connu dans le club de la Ruhr. A bientôt 35 ans, celui dont la carrière aura été marquée par les titres, les blessures et une relation compliquée avec la Mannschaft dispute sa dernière saison professionnelle. Désormais sans le brassard de capitaine, mais avec un coeur jaune et noir qui en a fait l'un des joueurs emblématiques de l'histoire de son club. Portrait d'un serviteur dévoué
- Publié le 30-09-2014 à 13h52
- Mis à jour le 30-09-2014 à 17h31
L'emblématique milieu de terrain des Borussen raccrochera les crampons à la fin de la saison
Eté 2001, le Borussia Dortmund frappe un grand coup sur le marché des transferts. Pour un peu moins de 25 millions d'euros, Marcio Amoroso débarque de Parme. Il est rejoint par Jan Koller, venu d'Anderlecht pour 12,5 millions, et Ewerthon, un attaquant de Corinthians ayant coûté 8 millions. Quelques mois plus tard, un jeune homme de 21 ans pas encore très connu du grand public arrive sur la pointe des pieds au Westfalen Stadion. Sebastian Kehl n'est âgé que de 21 ans, mais il est cependant considéré comme un grand talent du football allemand. Rudi Völler, alors sélectionneur, vient de le reprendre pour les matches amicaux contre la Slovaquie et la Hongrie. Contre les Magyars, il a même fait trembler les filets. Le Borussia Dortmund semble donc avoir flairé le bon coup puisque douze ans plus tard, il figure toujours dans le noyau du club. Et malgré l'arrivée de nouveaux joueurs, Jürgen Klopp compte toujours sur son trentenaire, qui pourrait fouler la pelouse du Parc Astrid en tant que titulaire ce mercredi soir
Sebastian Kehl n'a que trois ans lorsqu'il frappe ses premiers ballons. Un choix naturel quand on sait que son père est entraineur au sein du modeste SV Larhbach. Le virus du ballon rond le contamine tellement vite qu’il décide d’embrasser la carrière de footballeur pro dès son plus jeune âge.
Il quitte le club de son géniteur pour celui de Fulda, sa ville natale, qui évolue un cran plus haut. Sa grande taille et la précision de ses tacles l’amènent à évoluer en défense centrale où il impressionne rapidement les observateurs. Hanovre, qui vient de descendre en division 3, cherche à se reconstruire en dénichant des jeunes talents. Le club de Basse-Saxe engage Kehl alors qu’il vient seulement de souffler 16 bougies. Ce déménagement dans une grande ville où il n’avait aucune connaissance endurcira le jeune homme. "Je ne connaissais personne, je logeais seul à l'hôtel. J’avais du chagrin de ne pas voir mes proches, mais je me suis accroché et me suis finalement vite adapté", expliquait-il dans une interview accordée à Kicker.
Avec une équipe comptant des éléments qui feront une carrière intéressante en Bundesliga comme Gérald Asamoah, Fabian Ernst ou Otto Addo, Hanovre remporte le championnat régional pour retrouver l’antichambre de l’élite. Les bonnes prestations du jeune Sebastian lui permettent d’être repris chez les espoirs allemands où il fait figure de grand talent tout comme un autre joueur répondant au même prénom, Deisler. Avec la "petite" Mannschaft, il devient vice-champion du monde en 1998.
En 2000, Sebastian Kehl découvre la Bundesliga à Fribourg où il est repositionné au milieu de terrain. Son engagement physique, sa qualité technique et sa vision du jeu font directement merveille au sein de l'élite teutonne. Malgré son jeune âge (20 ans), le natif de Fulda dispute une vingtaine de matches lors de sa première saison et marque son premier but contre Wolfsburg en décembre. Ses prestations lui permettent d’intégrer l’équipe première de la sélection nationale.
Après avoir confirmé la saison suivante ses belles prestations en Buli, Kehl décide de rejoindre le Borussia Dortmund alors que la presse voyait le Bayern Munich lui mettre le grappin dessus. Le milieu de terrain a été influencé dans son choix par la présence d’un de ses amis en sélection, Christoph Metzelder.
Sebastian Kehl ne le regrettera pas. Dès sa première saison, le BVB remporte les lauriers nationaux et rate de peu le doublé avec la Coupe UEFA après une défaite en finale 3-2 contre le Feyenoord. Pièce maîtresse de l’entrejeu de son équipe, il est repris dans le groupe allemand pour la Coupe du monde 2002. Si la Mannschaft atteint la finale, le jeune homme ne jouera que 135 minutes, montant à la mi-temps du 1/8e de finale contre le Paraguay et en étant titularisé contre les Etats-Unis au tour suivant.
Lors de la saison 2003-04, Kehl découvre la Ligue des Champions. Très agressif sur la pelouse, il accumule les cartons jaunes mais reste une pièce importante du BVB qui termine troisième du championnat et de la nationale Mannschaft. Et ce malgré la présence au sein de ses deux équipes d’un concurrent expérimenté en la personne de Thorsten Frings, le plus métalleux des footballeurs d’outre-Rhin.
Mais le conte de fés ne dure pas. Le Borussia Dortmund connait une grave crise financière à cause de son entrée en bourse et les résultats sportifs sont en baisse. Kehl est aussi victime de blessures à répétition qui freinent son évolution. Ces soucis physiques lui feront perdre sa place de titulaire au sein de en équipe nationale, même s’il fera partie du groupe qui disputera l’Euro 2004.
Lors de la saison suivante, le BVB connaît des débuts très difficiles avant de réussir une remontée incroyable lors de la deuxième moitié d'exercice. Kehl fait partie prenante de ce succès, mais est toujours snobé par Jürgen Klinsmann, le nouveau sélectionneur, qui lui préfère Thorsten Frings, malgré le fait que ce dernier peine à s’imposer au Bayern Munich.
A l’approche du Mondial qui se dispute dans son pays, Sebastian Kehl met les bouchées doubles même si son club réalise une saison moyenne en ne terminant que 7e. Klinsmann décide finalement de le convoquer pour le tournoi auquel il assistera d’abord sur le banc avant de remplacer Frings, suspendu, lors de la demi-finale perdue contre l’Italie. Malgré cet échec, il disputera aussi la petite finale gagnée contre le Portugal.
Blessé grièvement par Salihamidzic en septembre 2006, il connaît une saison pratiquement blanche. Ce qui n’empêche pas son entraineur Thomas Doll de le promouvoir capitaine à son retour en lieu et place de Christian Wörns. “Sa blessure l’a fait mûrir, il est devenu plus complet, un véritable meneur”, explique le T1 des Borussen qui ne peut cependant pas compter très longtemps sur son nouveau porteur du brassard à nouveau gêné par les pépins physiques. En fin d’un contrat qui pèse lourd dans les finances du club, Sebastian Kehl est annoncé sur le départ avant de finalement signer un nouveau bail de quatre ans. "Je m'identifie totalement au club. Le Borussia Dortmund est le club de mon cœur", affirme le capitaine lors de la conférence de presse scellant la prolongation de l'union entre les deux parties.
Auteur de plusieurs passes décisives, il permet à son équipe d’atteindre la finale de la Coupe d’Allemagne. Ses dirigeants louent ses mérites dans la presse et font pression pour que Joachim Löw, qui ne l'a pas encore appelé depuis sa prise de pouvoir, revoie sa position. Mais cet épilogue du Pokal contre le Bayern se termine mal. Blessé au genou, il voit ses rêves d'Euro 2008 s'envoler. Il ne le sait pas encore, mais il ne retrouvera plus jamais la joie de revêtir la tunique de la Mannschaft.
Lors de l'été 2008, Jürgen Klopp, sa barbe, ses lunettes et son franc-parler, endossent le costume d’entraineur principal du BVB. On ne le sait pas encore, mais c’est le début du retour du club de la Ruhr au premier plan. Le nouveau technicien nomme officiellement Kehl comme capitaine et lui confie encore plus de responsabilités sur le pré. Dortmund remporte la Supercoupe, mais perd son joueur phare alors qu’il disputait sa 200e rencontre en Bundesliga. C’est le début de deux années de galère pour le milieu défensif qui ne disputera que 14 petites rencontres pendant cette période. Ce qui l’empêche de fêter dignement le titre national conquis en 2011 grâce à une formation rajeunie par la venue de joueurs talentueux comme Sahin, Lewandowski et Kagawa.
Mais Sebastian Kehl se rattrapera la saison suivante en décrochant le doublé championnat-Coupe où il retrouve sa place au milieu aux côtés d'Ilkay Gündogan. Le public fait de nouveau le plein au Westfalen stadion et Kehl, qui arrive en fin de contrat, décide de prolonger son séjour pour une saison avec option.
Ce qui lui permettra de prendre part à la fantastique épopée de son club en C1 avec une finale perdue à Wembley, même si personnellement son temps de jeu diminuera avec l’émergence de Sven Bender.
Cette saison sera donc sa dernière puisqu’il raccrochera ses crampons en juin prochain. Bien conscient qu’il n’incarne plus l’avenir, le 15e capitaine de l’histoire du BVB a déjà refilé son brassard à Roman Weidenfeller, un autre vieux serviteur puisqu'il est au club depuis l'été 2002. « Il est logique de passer le relais. J’ai maintenant la possibilité de prodiguer à mon successeur des conseils et une aide pratique ainsi qu’un soutien avec l’expérience que j’ai acquise. Le moment était venu », explique-t-il.
En attendant, Jürgen Klopp pourra encore compter sur l’expérience de son milieu de terrain qui profite, ironie de l’histoire, de l’épidémie de blessures qui frappe l’effectif des Schwarz-Gelben. Sebastian Kehl aura en tout cas marqué l’histoire du Borussia avec plus de 300 matches à son compteur et 13 saisons et demies passées dans la Ruhr. Lors de la période Bundesliga, seul Michael Zorc (17 saisons) a fait mieux que lui. Sebastian Kehl s’est aussi forgé un joli palmarès puisqu’il fait partie avec Stefan Reuter, Lars Ricken, Willi Burgsmüller et Jockel Bracht du cercle de joueurs à avoir gagné trois Bundesliga, réalisant en plus la performance d’avoir été capitaine lors de deux de ces sacres.
“Je suis heureux d’avoir pu contribuer à façonner l’histoire de ce club au cours de ses dernières années. J’ai décidé de mettre fin à ma carrière à la fin de la saison mais je vais rester à conseiller les joueurs, mon rôle ne changera pas dans le vestiaire ou sur le terrain. J’aimerais finir sur un titre pour la fin de ma dernière saison », a déclaré l'ancien capitaine.
Mais pour réaliser le dernier souhait de son joueur emblématique, les hommes de Jürgen Klopp devront se reprendre rapidement, eux qui connaissent un début d’exercice plus que compliqué avec trois défaites en six rencontres de Bundesliga et déjà sept points de retard sur le Bayern Munich. Et la relance de la machine enrayée passera peut-être pas une victoire au Parc Astrid dès ce mercredi soir.
Fabien Chaliaud
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